Prose & Poésie

Point de non-retour

 Vers Prose & Poésie


                                                    Comme les voyages déforment la jeunesse ...





Point de non-retour


-Comment ça va?

- Et bien, disons que j'ai atteint le point de non-retour!

 Je sais seulement que c'est irrémédiable,

que mon destin est à la merci des transits planétaires ...

Je ne fais plus de plans sur la comète!


Je continue de vivre au jour le jour,

sans me préoccuper du lendemain,

brûlant la chandelle par les deux bouts,

tel un beau diable se mordant la queue! …


Je me demande toujours ce qui m'émoustille

pour rester encore debout,

tant la mitraille sociale me déchire la poitrine!


Bien sûr, il me reste toute la beauté du monde à contempler,

le vin à partager avec les bons amis,

l'espoir de pouvoir la rencontrer …


Je m'émeus à observer les animaux,

ceux qui broutent,

ceux qui volent,

ceux qui chantent ...


J'admire la lune, solitaire parmi toutes ces étoiles.

J'aime quand le soleil me rôtit les joues,

quand la pluie abreuve les arbres,

quand le vent mugit dans la campagne! …


J'aime quand le musicien apaise le monde,

quand le poète invente une nouvelle issue de secours ...

Parmi la foule, je marche lentement comme un fantôme ;

je ne ressens rien pour elle, et c'est terriblement réciproque! …


-Je marche désormais au-delà du point de non-retour ...


Tarmac


Blafard dans l'aérogare, scrutant la carlingue,

et déjà en sueur à m'imaginer en hauteur,

je remarque le fuselage un peu déglingue ...

Ouais, pas cool ... Tu parles d'un grand voyageur!


Plusieurs cigarettes grillées avec speed

dans l'aquarium réservé aux accros,

et l'anxiolytique, me serrent le bide.


- Embarquement immédiat au micro!


Docile, tel un éléphant avec son cornac,

je m'aventure d’un pas lourd sur le tarmac,

direction le vieil oiseau de fer vrombissant ;

son gros bec moqueur me glace le sang …



 

Le prix de la paix


Pour les puissants de la planète,

ceux qui nous mènent à la baguette,

tous ces maniaques de la gâchette ;

la guerre se vend, la paix s'achète!

Au nom d'un dieu démocratique,

dans Babylone, ils éradiquent

les dictateurs, les tyrans fanatiques,

aux coutumes jugées antiques!


C'est encore le congrès qui régale,

alors, traquons tous ces chacals

à coups de frappes chirurgicales

puisque nos armes sont légales!

«  Fox News  » annonce d'un ton viril,

qu'un chasseur a largué un missile,

par erreur, en plein cœur de la ville,

causant des victimes parmi les civils!


Il faut passer les barrages de police

pour aller à l'école chercher son fils,

emmener le bébé chez la nourrice

ou pour visiter Pépé à l'hospice ...

Lorsque l'amour et l'espoir s'étiolent,

jamais à l'abri d'un attentat, d'un viol,

d'un enragé muni d'un litre de vitriol ;

le corps des femmes est une babiole ...


Tu n'es jamais tarie, maudite source,

aux pétrodollars fleurissant en bourse,

et tu poursuis ton infernale course,

asséchant les pauvres sans ressources!

La guerre se vend, la paix s'achète,

et les maniaques de la machette

se partagent le magot en cachette,

laissant le peuple …  Criblé de dettes! …


Un aller simple


Comme il t'en reste des trains à prendre,

de bien belles choses à entreprendre.

D'un sang d'encre, de l'amour à revendre

et des voix d'outre-tombe à entendre!


Les jours sont de plus en plus courts

et de plus en plus rare est l'amour ...


Reste l'émotion, la magie de Décembre

lorsqu' il neige sur ton cœur tendre.

Il nous reste du bon temps à prendre,

bien avant qu'on disperse mes cendres ...


Les jours sont de plus en plus courts

et de plus en plus rare est l'amour...


Comme il t'en reste des trains à prendre

et tant de choses à comprendre .

En sanglots, de longs jours à attendre,

dans le noir, si seul dans ta chambre…


Les jours sont de plus en plus courts

et de plus en plus rare est l'amour...














Amorgos


L'école finie, piaillent les gosses

dans les rues de la blanche Amorgos,


et n'en déplaise aux petits oiseaux,

c'est l'heure de savourer l'ouzo!


Lorsqu'on a si dur, rouler sa bosse,

faut bien se rafraîchir le museau! ...


Quand la Grèce n'est pas à la noce,

quand les ânes saignent des naseaux,


rien que la peau sous leurs vieux os,

résignés sous un soleil féroce ...


Croire aux Dieux ? ... Faut être maso,

désespéré, ou à bout de forces! ...


Le temps passe à crédit,  et Chronos

se dresse, seul maître des fuseaux,


face à la mer en bombant le torse,

quand le futur baigne dans les eaux! …



Avis de passage


Tel un oiseau de passage,

le poète voyage

seul en marge

des faux nuages.


Toujours à la page,

découvre de nouveaux rivages,

délivrant son message

d’une plume sauvage.

Il rédige son ouvrage

sur le sable vierge des plages,

soufflant dans un coquillage

pour couvrir tout vain bavardage ...


Tel un oiseau sage,

le poète voyage

comme dit l'adage

bien loin de toute cage ...




Avis portuaire


J'aime l'aurore en robe d'or

quand la ville dort encore,

qu'une lune sang enrobe le port

où flottent, cul-nus, des corps morts ...


Horreur du jour, un soleil rouge:

dans le panier, un crabe bouge,

crachant un chapelet de bulles;

ses mots séparés d'une virgule!


Odeur de cadavre en décomposition,

pêcheur sous l'emprise de la boisson;

il fait chaud maintenant sur le quai,

les mouettes rabaissent leur caquet ...


Asphyxiés, tournant de l'œil, les tourteaux

se résignent, les pinces menottées,

tels des esclaves dans la cale d'un bateau,

tandis que les badauds profitent de l'été …






Black spirit


Haïti, Bahia, Jamaïque, Cuba;

peuples noirs, orphelins d'Africa, la Mama!

Esclaves affranchis au douloureux karma,

vos Dieux sont l'esprit des ancêtres yoruba! ...


...  Ego, mon nègre, mon cacao,

cent pour cent amer et noir,

vous me soufflez un flot de mots

dans le creux de l'entonnoir  ...


L'essaim sacré de ces âmes nègres s'étire.

Il tourbillonne parmi le monde invisible,

et il œuvre en secret pour donner vie paisible

aux enfants d'esclaves qui souffrent le martyre!


...  L'écho de cette voie intérieure

résonne comme musique d'un ailleurs.

Ego, mon médium, mon orchidée,

vous êtes l'aquarium de mes idées ...


Dans la nuit les fils des Saints brûlent leurs cigares

lorsque le son magique des tambours s'égare

au coin des rues illuminées par de blancs cierges ...


... Coquillages, cercueils nacrés des Nautiles,

conjurant le mauvais sort, amulettes utiles,

qui pendent au cou sacré de celui qui est

l'Ego, ce sorcier, mon laurier  ...


Des pétales de rose, des plûmes d'oiseaux,

des bouteilles de rhum, de la mie de pain vierge,

jonchent les petits pavés usés par les eaux ...





Calibre 49-3


Aigri citoyen, notre culture est en berne.

La médaille du vrai con, je te la décerne,

pour avoir cautionné tant de vils imposteurs,

cumulards fossoyeurs et chasseurs d’électeurs! …


Des siècles de lutte ouvrière anéantis

par un nouveau coup de revolver dans la tête

du peuple souverain à qui l'on a menti,


gavé de propagande, nourrissant la bête!

Nous, les rêveurs, seront sans pitié, ni merci;

notre utopie vaut bien votre démocratie! ...


tuk-tuk


My god, je kiffe Bangkok by night, c'est impec;

en tuk-tuk, je me la joue trop dans la Mecque

du routard, sur Khao san road, ça klaxonne sec.

Dans le gaz des artères de la ville, je balance zen!


Nul besoin de coke, ni de crack pour kiffer ce trip.

La vie effervescente défile, ça te prend aux tripes.

Warning, dans les virages, faut qu’on s'agrippe;

le cul dans un tuk-tuk, c’est "On the road again"!













Ô Cantoli


Ô Cantoli ! Si charmant et bucolique ,

où je demeure, le cœur mélancolique ,

dans le jardin de la bergerie qui verdit

sous les aiguilles du soleil de midi ...


Les châtaigniers oubliés, aux branches mortes,

sont les fantômes dont l'odeur âcre et forte,

se mélange aux parfums puissants du maquis

au milieu duquel une source naquit ...


D'ici, tu peux toucher du doigt les étoiles,

et admirer la lune nue, sans le voile,

qu'elle laisse retomber sur la vallée:

blanc linceul de l'aube, moutons envolés ...


Ô Cantoli ! Si charmant et bucolique

où je demeurais, le cœur mélancolique ...




Partir    


Soudain il y eut le souffle du vent

caressant le cuir de ma valise

brûlant la page de mon analyse.


Mon cœur se débattait en dedans.

Partir encore,

casser le rythme

et commettre un autre crime!


Aimer la vie comme on aime

son chien, son sang, sa peine ...


J'ai brûlé ces souvenances trop lourdes,

pour absoudre ton absence si sourde .

J'ai libéré mon cœur de ta mainmise,

et attendu longtemps qu'il cicatrise ...


Je suis parti vers des pays lointains

où j'ai survécu comme un clandestin ...


J'ai marché des lieues sur le littoral

quand l'air marin me grisait le moral.


Sans jamais me soucier du lendemain,

je voyais le monde au creux de ma main …






Contre-indication


Tu piques ta crise,

tes nerfs sont à vif, t'es furax;

c'est la grande désillusion! ...


Tu fais mine grise,

la radio te prescrit son Xanax;

c'est la grosse dépression! ...


Tu es sous l'emprise

de l'alcool qu'on surtaxe;

c'est la fatale perfusion! ...


Tu es l'homme qu'on brise,

qu'on divise, qu'on désaxe;

c'est le jour de la révolution!


 

Corsica


Une braise d'arbousier grésille

dans l'âtre où les figatelli grillent

doucement pour ces bienheureux drilles,

oubliant grenouillages et bisbilles ...

Quand leurs couteaux nettoient les morilles,

leurs yeux ont la pupille qui brille

telle la crosse de leurs fusils

comme une incandescente escarbille ...

Ils racontent, de fil en aiguille,

d'épiques souvenirs de famille ...

Mais l'eau chanta sur les galets,

le soleil baigna la vallée,

les mimosas, toi plus moi,

sous l'antique pont génois ...




29 jours et demi


Je crains ceux qui parlent dans mon dos meurtri,

de ma maladie orpheline, tout ce qui en découle ...

Je papillonne des ailes , condamné à l'apatridie .

Je flippe tel l'orvet froussard dans la foule maboule,

redoute les uniformes de guerre et tout pyjama rayé.

Je voudrais foutre le camp loin du gaz et des barbelés,

loin de cette banlieue abiotique, de ce tout-à-l'égout;

Je suis ce panda neurasthénique amateur de bambou …


Dans l'éternel cycle de vingt-neuf jours et demi,

quand le poète désarmé et la lune font l'amour

pour enfanter un quotidien maquillé de rêves;

Quand le cœur seul a besoin d'être consolé

après avoir ingurgité des dizaines de demis

dans les gares du hasard séchées par la grève .

Il chante l'esprit des hommes libres pour toujours

quand la nuit envoûte une nuée d'oiseaux déboussolés ...

Primarette


Il y avait une embouche verte d'herbes grasses

où paissaient de paisibles bestiaux de race.

Un écrin serti de bosquets habités d'oiseaux,

et la nuit, un renard y pointait son museau.


Penché à la fenêtre, je fumais ma cigarette ...


Il y avait même la pleine lune, nue à l'horizon,

qui s'embrasait d'argent me brouillant la raison.

Je pensais à celles et ceux qui me sont si chers,

et, parcourue de frissons, tressautait ma chair,


tandis que le crépuscule tombait sur Primarette ..



Demain


Demain le monde fermera ses cieux.

Il s'endormira seul dans l'univers,

guérira de ce cancer disgracieux

et il n'y aura plus jamais d'Hiver.


Demain le monde fermera ses cieux.

L'horloge s'arrêtera juste à temps,

le jour précis où les hommes vicieux

auront déséquilibré le Printemps.


Demain le monde fermera ses cieux.

Il fera nuit noire sur Papeete

et les océans seront silencieux;

quelques poissons rêveront à l'été.


Demain le monde fermera ses cieux.

Et dans les rues désertes de Lisbonne,

danseront les petits rats malicieux,

et il n'y aura plus jamais d'Automne …

Ce sont des gens


Ce sont des gens de foi bien étanche

qui finiront tous entre quatre planches .

Ils vont à la messe tous les dimanches,

écouter le saint homme en aube blanche,

ses promesses ponctuées de sonnanches,

que le bien sur le mal prendra sa revanche

et sur le parvis, un vieillard fait la manche,

le bras allongé telle maigre branche ...


Ce sont des gens parfois bien étranges,

électeurs avinés aux idées qui dérangent

faisant aux imposteurs tant de louanges,

même s'ils n'ont rien à gagner au change.

Ignorants qui se complaisent dans la fange,

de leur vile misère morale, ils se vengent

en arrachant le cœur des derniers anges

qui gazouillent comme des mésanges ...


Ce sont des gens autrefois plus tendres

qui se sont égarés dans les méandres

d'une haine sordide qu'ils engendrent

sans aucun complexe et sans comprendre

qu'ils réduisent tout espoir en cendres,

alors que même la lune est à vendre,

qu'on extermine les singes polyandres,

qu'on laisse le sang des hommes s'épandre …











Jour du Seigneur


Parce que c'est le jour du Christ,

les rues sont désertes et tristes.

Les cieux sont si lourds d'ennui

qu'on garde sa chemise de nuit.

On reste bien au chaud chez soi

à l'écart du monde dans la soie,

zappant, allongé avec un thé vert,

vidant avec avidité la boîte en fer

où sont stockées les gaufrettes.

Et de temps à autre, seul, on pète

avant de s'assoupir de nouveau.

Puis on se réveille tel un veau,

un peu perdu, entre chien et loup.

A la télé, y'a encore Tintin et Milou

qui font les voyages à notre place.

J'écrase ma cigarette dans la tasse ...


Parce que c'est le jour du Seigneur,

la kermesse des jeunes catholiques

bat son plein depuis une demi-heure

sous l’œil narquois des alcooliques.

On est rentré ce matin de discothèque,

encore plus lourd, en fouettant du bec.

Il y a des gobelets et des cacahuètes

écrasés sur la moquette, c'est chouette!

On consulte le répondeur du téléphone

qui a sonné mais on veut voir personne.

Puis le soir s'encastre dans la pénombre ,

commande d'une pizza quatre fromages

qu'on avale tiède avec un soda sans gaz.

Comme on fait parti du plus grand nombre,

demain, il faudra donc pointer au chômage.

Sacristie, et encore un dimanche de naze!




Dimanches


Dimanche,

c'est le jour du Seigneur,

" l'hebdomadaire petite Toussaint à tous " ...

C'est le jour de repos pour la famille

quand fourmillent les souvenirs d'enfance ;

le champignon mortel d'automne,

l'escargot joyeux des orages d'août,

l'orvet froussard coupé en deux par la bêche,

la mirabelle trop mûre truffée de guêpes,

le jus de groseille maquillant la joue du gendarme et du voleur …


Dimanche,

c'est un reste d'agneau, solitaire, au beau milieu des flageolets,

une ballade à l'ossuaire de Douaumont

avec des chaussures de ville trop étroites ...

C'est le moment de faire le point sur sa vie ;

combien d'années encore, et en bonne santé?

Ai-je encore la foi pour lutter

contre tous ces salopards qui creusent ma tombe;

ces ébénistes cupides qui sculptent le bois de mon ennui,

ces types qui gâchent la vie,

 ces cœurs avides, ces têtes déjà mortes?


Dimanche,

c'est le cercueil du samedi soir et sa gueule de bois promise.

Un reste de pizza qui sèche comme l'ennui sur le fil du temps! ...

C'est un jour de congé sans solde pour le diable.

C'est ce linceul froissé d'amour qui a encore ton odeur,

 C'est quand tu te souviens que la solitude

ne t'oubliera jamais, même si tu rêves encore! …

 






Exotic roots


Au karma de reine déchue, voici Colombo

avec ses tonnes de thé, de l'or vert à revendre!

La bouche en feu qu’attise cette bière au gingembre,

j’y déguste un curry de gambas, riz et gombos.


Je crois au sourire des jeunes amants pudiques

qui se tiennent par la main dans les jardins publiques,

avec ce flot de promesses pour toute la vie

malgré le tsunami ou les rides de l’ennui …


En tuk-tuk, on transite vers l’arrêt d’autobus ;

je croise un éléphant friand de banane rose,

un charmeur de serpent, un perroquet bleu qui cause,

un singe savant : Tous bouffons pour touriste russe!


A Kandy, pour un chicot du Bouddha, tous en transe,

les pèlerins se bousculent tels des aliénés

quand l’ouvrière indienne a trois dollars la journée,

le dos courbé, sous un lourd fardeau de thé, balance ...


Puis le vieux tortillard descend sur Ma-a-tara,

là où les tortues marines reviennent en nombre,

à la lueur des lucioles, au sec pour y pondre,

l’œil en pleurs telle pierre de lune aux cent carats!


Enfin …  Avant l’irrémédiable, je vous impose

que diable, dans la douceur de Mirissa, le soir,

ma longue rêverie qui revigore l’espoir

quand l’océan murmure au cœur poète, sa prose! …








Inch’Allah


Je boirai donc mon vin jusqu'à la lie,

le corps allongé sur son dernier lit,

et ce sera donc mon ultime délit;

vous pourrez ainsi sonner l'hallali! ...


Peut-être qu'une femme pleurera

sur mon cœur inerte qui s'en ira,

gagner l'océan, puis soupirera,

tel l'oiseau migrant vers Essaouira ...


Et comme le sourd cobra que l'on charme,

se dresse sur la place en plein vacarme,

je danserai seul au milieu des flammes;

l'âme enfin légère, sans joie, ni larmes …




Au jardin des Amours


Où est le temps des mirabelles

qu'on ramassait à la pelle


quand on se tenait par les ailes

sur les berges de la Moselle?

Et tu frétillais à merveille

comme une rousse dans la Seille,


Ivre dans les rayons du soleil,

tes joues comme des groseilles!


Mais … Entrelacés, au jardin des Amours,

rêvent nos cœurs pour toujours …





Juste avant le tumulte d'un jour gris ...


À quatre heures du matin, j'ai perdu le sommeil

entre deux rêves agités par une lune décroissante.

Dans la rue, un rat lèche le goulot d'une bouteille.

La bise glacée déshabille les arbres qui se sentent

seuls sur la place déserte. Le coq d'or est frigorifié!

Perché sur la maison du Seigneur, un Christ pétrifié.

Aucun pigeon ne roucoule et dort encore la poule,

la chicorée Leroux dans ma gorge, chaude s'écoule.

Au pied du kiosque sont largués les frais journaux,

les pétrins sont raclés et le pain cuit dans le fourneau.

Le silence est tel qu'on entend passer le train au loin;

il martèle les rails, faisant trembler l'étoile qui point

juste au-dessus des mille petits étangs des Dombes,

faisant vibrer le marbre noir, poli et froid des tombes ...

La voiture-balai va bientôt passer et brosser les trottoirs

pour qu'on déroule le tapis vert aux gens plein d'espoir!





















Koh Phayam


Même si les voyages déforment la jeunesse,

c'est bien le meilleur antidote que je connaisse,

et quand la vie m'agresse, la tristesse m'oppresse,

je m'empresse de poser mes fesses dans l'express!


Avec la force, la souplesse d'une tigresse,

mon cœur moribond rebondit avec allégresse,

transporté soudain vers des contrées enchanteresses

où vivent de frêles princesses aux longues tresses ...


Sur les rochers tranchants, les singes point ne se blessent

pour cueillir des crustacés d'une grande finesse;

comment peut-on avec autant de délicatesse,

s'intégrer à la nature avec telle justesse?


Il me faut donc vous confesser que plus rien ne presse

car sur l'île de Koh Phayam que les cieux caressent;

avec paresse, dans un hamac que le vent berce,

me voici l'autre, au bout du monde, sans aucun stress!



 

La Dame blanche


En attendant que la lune daigne me montrer ses formes,

je sirotais un Cap corse, à la fraîche sous le bel orme,

chez Poli, sur la terrasse surplombant le golfe d'azur,

désertée par les touristes, proche de la fermeture ...


D'air grognon, la mère Roge, de ses doigts lourds de bagouzes,

débarrassait les derniers verres incassables par douze,

tandis que  Yo rafraîchissait les cafetières fleuries

d'hortensias mauves, lys blancs royaux, roses presque flétries.


Le «fou» Claude attendait autant la lune que sa piquouze.

Il prétendait avoir croisé le serpent aux yeux malins,

car les mathématiques, un jour, l'avaient rendu zinzin,

comme parfois … L'âme libre succombe soudain au Blues!


J'ai toujours pensé que cet homme disait la vérité,

que la dame blanche n'était pas une vieille légende;

moi qui l'ai croisée, par une nuit étoilée, en plein été,

quand mon sang répandu fut, pour elle, une offrande …


















Sphère sacrifiée


- Vois, la sphère bleue aux pôles de glace

qui navigue en solitaire dans l'espace

tel un globe optimiste malgré la menace

de ces météorites frôlant sa carapace!


Ces pluies acides et ces marées noires

rongent la croûte sans le moindre espoir,

comme la guerre instruit les couards,

de sa folle logique d'hydre sans fard ...


- Je n'aurais donc connu qu'une seule race.

Celle de vauriens figés dans cette crasse;

tristes bipèdes, impuissants, sans audace ...

… Incapables de survivre à leurs angoisses!


 

Porté disparu


Comme de tout ceci, il en avait marre,

il a brûlé ses livres, réduit son bagage

pour ainsi, s'alléger au dernier voyage,

puis s'est rendu sur le quai d'une gare …


Un soir d'orage, il s'est donc fait la belle

sans jamais plus donner de ses nouvelles.

Il a connu la violence de la rue, le froid ;

affamé, il a su chasser la moindre proie!


Derrière lui, ne laissant aucune trace,

avec soin, il a brouillé toutes pistes,

gommant les noms d'amis de sa liste,

se laissant enfin pousser la tignasse!


Il s'est décrassé dans des rivières glacées.

Il a goûté le doux poison des fruits défendus.

Il grugeait des touristes biens trop pressés,

courant le risque d'être parfois pendu!


Apprivoisant les nuits, parlant avec les morts,

il a dormi debout tel un pur-sang sans mors.

Il aurait séjourné presque dans tous les ports,

croisant tant de regards, serrant tant de corps …


Parfois, couché dans la dune, sous les étoiles ;

il rêvait, libre, avec la lune cendrée pour cible,

qu'il prendrait demain la mer, mettrait les voiles,

pour s'en aller au bout de son rêve impossible! ...








L’aurore des braves


Elle aime mes poèmes qu'elle connaît par cœur,

les drôles d'oiseaux et Charlie "Bird" Parker.

Elle aime ma bohème et mes long-courriers,

mes cartes postale écrites de main d'ouvrier ...


Au cœur de la nuit, parfois, se réveille en pleurs

quand elle seule et que son ombre lui fait peur ...

Les p'tits chiens ont la chiasse, l'amour est malade;

les matins blêmes, la radio et toutes ces salades ...


Aux aurores, enfin je me couche sur la paille,

sans redouter le jour, les pensées qui m'assaillent.

Je lui dirai qu'il ne faut jamais autant s'en faire

pour s'amuser et consolider sa santé de fer ...


Les autoroutes sont grises, toujours en travaux.

Il y a toujours un patron, un gardien de caveau,

un caniveau pour dégueuler ses lendemains,

un trottoir en sursis au bord de ton chemin …




 

Le regard mauve


Je souffre d'extra-lucidité permanente depuis mon enfance .

Scrutant l'invisible, j'entends le creux des silences

et je touche parfois le néant! …


J'ai l'œil aiguisé, observateur et soucieux du détail.

Le regard mauve, embué de larmes,

j'ai la pupille nostalgique tel un objectif rétro!


Je parle avec certains animaux, je communique avec les cieux,

dansant maladroitement en fonction des transits planétaires ...

Je fais des rêves dont la plupart deviennent réalité.


Je suis le cauchemar des perruques parfumées

sous lesquelles se terre le cerveau de la mort.


Je suis l'espoir qui s'accroche aux comptoirs

rouillés d'ennui quand sonne le clocher! ...


 

Les caravelles


Quand appareillèrent les deux caravelles,

avec mes frères la peau couleur d'ébène,

enchaînés presque nus dans la cale pleine,

je n'eus, dès lors, plus jamais de leurs nouvelles .


Ils étaient tous de braves guerriers rebelles,

les plus redoutables chasseurs de gazelles,

enlevés par des marchands d'âmes humaines,

un triste matin, sur la cote africaine ...


Ils voyagèrent, se vouant à leurs Saints,

sans voir le jour, et balancés par les vents.

Et certains, trop épuisés ou morts de faim,

furent jetés à la mer presque vivants ! ...


Seul les plus forts gagnèrent le nouveau monde

où déjà les natifs se laissaient mourir,

préférant la mort à ce dessein immonde.

Seuls les plus forts recommencèrent à sourire! …



 

L'éternel ermitage


Je ne suis qu'un être de passage

sur la planète que l'on saccage,

et je tournais tel un lion en cage,

mélancolique roi qu'on enrage …

L'âme éprise de vagabondage,

je m'enfonçais seul jusqu'au visage

dans le sol mouvant des marécages,

par méprise ou manque de courage …


Je t'ai quittée, tourner la page,

et je suis parti à l'abordage

d'un beau pays aux célèbres plages,

le corps décoré de tatouages.

Là-bas, l'avenir est métissage:

Ces peuples jadis en esclavage,

indiens victimes de l'orpaillage,

témoins impuissants de ce carnage!


Ces femmes dévoilent le message

en manipulant des coquillages ...

Ces pêcheurs d'ébène, en plein orage,

s'aventurent, risquant le naufrage !

Quand viendra l'hydre, mauvais présage;

m'envolant au milieu des nuages,

je quitterai ce monde sauvage

rejoindre l'éternel ermitage …











Lilith


Comment vas-tu Lilith,

as-tu fais bon voyage?

Pose donc ta Samsonite

et défais tes bagages!


Tu n'en mènes pas large,

tu m'as l'air déboussolée,

et n'écumes plus de rage;

viens, je vais te consoler ...


Tu sais, je ne t'en veux pas

de t'être servi de mon cœur,

en traître, comme un appât

pour assouvir tes malheurs!


Après ton départ sans au-revoir,

je suis resté seul dans le noir

et tous les oiseaux sont morts ...

T'as vu, comme la nature dort?


Ne me dis rien car je devine

tout ce que tu as pu détruire

là-bas: Des amours divines,

âmes seules ou durs à cuire ...


Ils ont succombé à ton charme fou.

Tu les a mordu d'un baiser fatal;

maudit succion à les rendre pâles

et tu as jeté leurs corps aux loups!


Or je te trouve encore plus belle

avec cette cicatrice sur la joue:

petit  C  en forme de noix de cajou

qui te donne un air grave et rebelle …


 

L’œil du cœur


Ton cœur semble mûr pour un nouvel amour.

A l'évidence, tu ne te fais plus de mauvais sang

et ça ne bourdonne plus au creux de tes tempes .


Le soleil a séché tes paupières

où s'est cristallisé le sel du passé.

Tu as recouvert la vision de ton troisième œil .


L'horizon se dégage enfin;

pas un nuage pour noircir le tableau.

Oui, ton cœur est mûr pour un nouvel amour!


Et dans les cieux, ivres de bonheur,

les oiseaux n'en reviennent toujours pas

de te voir à nouveau sourire tel un enfant!




L'ophiophage

(L'avaleur de couleuvres)


A midi, je tricote le fil des souvenirs,

songeant toujours à ces moines à genoux,

exécutés à brûle-pourpoint en plein lucernaire,

puis décapités post mortem dans le désert ...


Je m'emberlucoque à piocher

dans le filon des mots fossiles

tandis que le géorama tourne,

éclairé par l'infini merveilleux  ...


A minuit, je tricote le fil des souvenirs,

or demain, tout sera bel et bien fini

puisque Dieu nous a tous oubliés

et que l'aube sainte déjà s'évanouit …

Lost again


Par une nuit de démence,

j'pourrais finir aux urgences.

Take care, my crazy brain!

Quand la vie n'a plus de sens,

le moteur en panne d'essence.

You know, i'm lost again ! ...

Comme un perroquet aphone,

soufflant dans ce microphone,

toujours la même rengaine!



Par une nuit de démence,

j'pourrais finir aux urgences.

Take care, my crazy brain!

Disparu dans un vieux un port,

muni d'un faux passeport

on the midnight express train!

Quelque part seul sur une plage

où j'aurais fait naufrage,

échoué telle une baleine  ...


 

Une lune de sang


Il te faudra traverser seul le désert .

Éloigner par le feu, les scorpions,

évitant de marcher sur un crotale endormi

pour trouver l'oasis de tes nouveaux rêves .


Il te faudra franchir une frontière imaginaire,

les barbelés d'un no man's land de solitude,

où se postent des garde-fous corrompus

tels des charognards perchés sur les miradors.


Il te faudra raser les murs en entrant dans la ville.

Faire profil bas, copiner avec les rats dans l'égout.

Errer dans la nuit comme un chien perdu,

avec pour seule compagne, une lune de sang …


 

Sirène


Je sens en moi la bestiole qui sommeille,

perfide et lovée entre mes deux oreilles ;

il ne faut surtout pas que je la réveille,

puisqu'elle n'aime même plus le soleil!


Je m'efforce de voyager en silence,

l'épargnant ainsi de toute turbulence,

l'anesthésiant au formol de mes idées,

un peu complice pour pouvoir m'évader ...


Elle aime ma musique, car ça l'apaise.

C'est elle qui commande tout dans ma tête;

si d'aventure, je veux filer à l'anglaise,

si je la vexe, c'est aussitôt ma fête!


Et comme une muse antique en robe noire,

elle se réveille et s'invite tous les soirs,

dans le lit drapé de mes plus sombres songes,

pour me séduire encore avec ses mensonges ...


Alors, sirotant un bon "Côte du Rhône",

je la caresse dans le sens des écailles,

quand elle suce mes fichus neurones,

cette insatiable ogresse qui me tenaille …


 

Vendredi


Car tu peux danser à poil,

la tête dans les étoiles.


Tu peux dévaler la dune,

et dévisager la lune,


la nuit si le cœur t'en dit

tel le héros Vendredi.


Robinsonner solitaire

entre le ciel et la terre,


rêver face à l'océan

esquivant toute chimère,


comme le dernier géant

ou le gitan de la mer.


Or tu peux tel un poisson

distrait mordre à l'hameçon,


finir sur un lit de glace

dévoré par les rapaces,


si par un manque d'audace

ou prisonnier de l'angoisse,


comme ces âmes fantômes

errant loin de leurs royaumes,


ton cœur dans l'épais brouillard,

hurle tel un tortillard …

 

Never more


C'est un peu d'humanité qui crève,

comme un cœur transpercé par le glaive,

quand la mer rejette sur la grève,

cet enfant déchu de tous ses rêves ...


Migrant croyant te rendre à bon port,

voulant conjurer le mauvais sort,

à bord d'un esquif, corps contre corps;

voici ton passeport pour la mort!


Car plus tristes que nos cimetières,

encore plus clos que nos frontières,

ils ont le cœur dur comme la pierre,

ces gens aveuglés par la lumière!


Le monde dort, mais tu rêves encore ...

Ta tête baigne comme une amphore,

d'où résonne une voix de ténor :

Never more ... Never more! …


 

Lendemains utopiques


Nous n'étions qu'une poignée pour y croire encore

tandis que les traders se gavaient comme des porcs

et saignés à blanc, trop d'hommes dormaient dehors ...

Pour nous museler, il faudra d'abord piétiner nos corps!


Dans les cafés désertés du centre-ville, c'était la misère;

à part nous, personne pour rêver autour d'un Picon bière!

Dans les mosquées bondées, ils s'abreuvaient de prières

ou désespéraient devant leurs téloches, leurs frigidaires ...


Une poignée y croyait encore malgré ces temps moroses.

Même si les cœurs, accrochés aux épines des roses,

avaient tant de mal à sourire en ces temps de crise,

quand la joie s'évanouissait dans chaque aube grise ...


Les usines rouillées et la rue rouge de colère,

on fustigeait les étrangers, leurs âmes patibulaires!

On voyait le mal partout. Les flics avaient les crocs;

et la presse suintant le fait divers en faisait trop!


Nous n'étions qu'une poignée pour y croire encore.

Dans les cafés désertés du centre-ville, c'était la misère;

à part nous, personne pour rêver autour d'un Picon bière.

Pour nous museler, il faudra d'abord piétiner nos corps!



 

Overdose de rêve


Notre amour à bout de forces

est un arbre sans écorce,

une fleur jadis extorse,

quand triomphe le divorce! ...


Au pollen des longs jours sombres,

le cœur bat dans la pénombre,

allergique au plus grand nombre,

et trahi par sa propre ombre! ...


Il nous reste des voyages,

des souvenirs qu'on partage ;

moi, tes erreurs d'arbitrage.

Toi, mes erreurs d'aiguillage ...


Or le temps des habitudes,

fait place à la solitude,

tel ce vent d'incertitude

qui nous glace d'hébétude! ...


Sois léger mon cœur blessé,

sois fort mon corps désossé.

Que ces démons du passé,

par ma vie, soient pourchassés!


Car, quand l'espoir se soulève,

que le cor sonne la trêve;

ô jamais, l'amour ne crève

d'une overdose de rêve! …

 

Poisson-lune


J'en aurais bu du vin avec mes amis,

mangé chez la Mama, son osso-buco,

et fumer l'herbe ocre du Permambuco,

avant la sieste du démon dans le midi.


Et je m'en serais mis dans l'encornet,

de cette neige pure qui donne la frite,

sous les cocotiers, le vent dans le nez,

près des vieux coraux qui s'effritent!


J'en aurais connu de belles sirènes,

ou murènes que j'avais sacrées reines.

J'ai longtemps dansé dans la nuit,

flirtant jusqu'au bout de l'ennui,


avec mes propres démons dénudés

qui jouaient mon infortune aux dés,

lorsque la lune pleine, en nage,

transpirait de tous ses mirages …

 

Primates modernes


Primate moderne des jungles urbaines,

tu gardes les stigmates de l'homme des cavernes,

tu gonfles la poitrine malgré ces gaz toxiques,

et tu voudrais séduire cette jeune anorexique ...

Des types en cravate te prennent pour un idiot,

mais dans tes savates, tu n'écoutes que la radio,

ce flot de propagande d'un monde en stéréo,

quand l'orang-outang se meurt à Bornéo.

C'est vrai que tu peux rêver et gagner au loto,

du Champagne à gogo, t'acheter une belle auto!


Primate moderne des jungles urbaines,

tu n'es qu'un animal prisonnier de tes chaînes.

Marche l'âme en peine ou tranche-toi les veines.

La haine gangrène tout quand la police dégaine!

Dans la ville souterraine est écrit " No future "

avec le sang des rats qui sèche sur les murs ...

On n'aura jamais le temps de sauver la planète,

l'uranium a déjà contaminé toutes les assiettes;

l'estomac souvent brassé, sans cesse oppressé,

survivant agressé, pressé, les neurones stressés ...


Primate moderne des jungles urbaines,

les gangs maraudent, traquent des filles obscènes.

Craque ton fric dans le crack, au bordel!

Dansent les nuits blanches sur un tango de Gardel ...

Ne rentre pas trop tard, car c'est la loi martiale

dans le no man's land des zones antisociales .

Dans le parking sonne l'alarme d'une berline,

des sans-abris tremblent dans la vermine,

tu cherches ton amour perdu dans cette foule,

le doux visage d'un inconnu, d'un babouin cool ...


Primate moderne des jungles urbaines,

toute la misère, ces guerres, te filent la migraine.

Tous ces pseudo-démocrates, ces élus schizophrènes,

te font mordre la poussière de Damas jusqu'en Ukraine ...

Le "NASDAQ" grimpe en flèche, les traders sont aux anges ;

leur pétrole contre un stock d'armes, ça les arrange!

À faire tout le contraire de ce que disait Mahomet,

dans le chaos mondial, tu vis mal ton karma, oh, mais...

... L'homme n'a pas grandi depuis la mort du Christ

ou celle de Gandhi ; bon dieu que mon cœur est triste!


Primate moderne des jungles urbaines,

bipède dégénéré des cités malsaines,

prédateur édenté de poulets en batterie,

tu n'es qu'un numéro fiché par la gendarmerie.

Tu penses sans doute que ton voisin est un con

et tu le balancerais pour un oui, pour un non ...

Tu crois peut-être que la liberté est américaine,

que Mandela buvait en taule des "Heineken"!

Un jour, les gens seront tous de la même couleur ;

peut-être la fin des guerres, de la famine et la douleur ...










 

ADN


J'ai laissé mon ADN partout

dans des hôtels qui sentaient le moisi,

dans des lits de hasard …


J'étais l'homme des rendez-vous équivoques,

invoquant à genoux  les Dieux vaudous,

les nuits où la lune noire dégoulinait de sueur

et quand se déchaînait l'océan jaloux ...


Je dépensais  mon or dans de longs courriers

pour voir l'envers du décor, l'autre espace,

et je ricanais parmi les buveurs de Ricard

quand le tout Paris reversait dans l'intox …


J'étais comme nymphomane, 

jouissant de tous les plaisirs du monde

entre deux équinoxes!


D’idéal têtu, citoyen toujours en cavale,

j’étais l’avocat  des minorités qu'on écrase,

le pyromane des frontières mentales

qui redessine avec soin les continents ...



 

Que serais-je sans toi


Sans la poésie, devenu que serais-je,

moi qui ne connaît point le solfège?

Elle est ma vitamine indispensable,

luxuriant oasis en un désert de sable ...






Myanmar


Les marchands de rêve de Mandalay

bavardent sur les marches du palais,

Avec les voyageurs au teint de lait,

dès que l'agent secret s'en est allé...


Au sein de ce vieux monastère en teck,

les moines partagent une pastèque,

avalant  silencieux le thé cul-sec,

avant d’aller prier à la bibliothèque...


À Bagan, dans le temple du malheur,

seule dans le noir, une femme pleure

son bel amour perdu, son âme sœur,

condamné à périr au camp dans sa sueur ...


Sur le golfe du Bengale au couchant,

je me noyais dans ces regards touchants

qui m'attiraient tous comme des aimants,

quand l'astre rougeoyait mystérieusement …






Une belle jeunesse


Faut se méfier de tout à notre âge;

du froid, d’une canicule, des orages.

On est jamais à l'abri d'un coup de foudre,

d'une rage de dent, un pontage, le chômage! ...


Faut se calmer sur le tabac et la gourde,

et traverser dans les clous même au vert!

On peut aussi faire un AVC dans ses WC,

même si tu peux en finir quand t'en as assez ...


On a vécu une bien belle jeunesse,

avec de chaudes histoires de fesses!




Si loin de moi


Aujourd'hui, je t'écris une lettre,

mon ami, seul à des kilomètres

de Paris, et fume à la fenêtre,

une Lucky, ressassant ce mal-être …


Un jour de pluie, je reviendrais vers toi,

car sans amour, je dérive si loin de moi.

Qu’il est lourd de supporter sa croix ;

je vais faire un tour, une ballade dans les bois.



Sabotage


Comme les étoiles guident le marin,

je suis arrivé sain et sauf à bon port .

Comme les nouvelles vont bon train,

j'ai saboté l'aiguillage par le Nord …




Crinière au vent


Moi, ça fait bien longtemps que j'ai lâché les chevaux;

débridés, ils galopent désormais, crinière au vent,

le long de l'océan, à marée basse.

De leurs sabots luisants, ils écument la grève infinie,

avalant les méridiens qui rythment mes pérégrinations …




Un sortilège


Je ne savais chérir les femmes

et j'ignorais ces jeux de l'âme.

J'étais l'ombre d'un honnête homme,

un jeune poète à la gomme!


Or, rien a bien changé depuis;

je reste ce fantôme, la proie

du doute. Cœur au fond du puits,

je porte, en moine, ma croix ...


Stériles, les étés trépassent

avant que mes draps ne se froissent.

Les pleines lunes se ressemblent.

Nous ne dansons jamais ensemble ...


Demain pourtant, il faudrait bien

que l'amour embrase mon sein.

Je ne mérite pas ce sort

qu'on m'a jeté, le jour des morts ...





 

Sous le ciel bleu


À tous ceux, murés dans leur silence,

qui n'auront jamais eu de la chance,

survivant d'une maigre pitance!

À tous ces pauvres gueux qu'on balance,

sur les pavés rugueux de la France,

quand d'autres sont partis en vacances!


À ces âmes perdues qu'on offense,

à la merci de la démence,

qui engorgent les urgences ...

À ceux qui s'aspergent d'essence,

victimes de la désespérance,

quand leur vie n'a plus de sens ...


À ceux qu'on brise par vengeance,

et jette sur les chemins de l'errance,

comme de vieux chiens de faïence!

À ceux qui ont perdu confiance,

en eux, le cœur en souffrance,

le corps pétrifié, sans défense ...


À ceux qui pleurent l'absence

d'une mère, d'un ami d'enfance .

À ceux qui ont tiré leur révérence,

à ce ciel bleu sous lequel je pense …

 

Spleen again


Le jour se lève et se réveille telle une tafiole,

de sale humeur, la perfide bestiole;

comme toujours, les couilles à l’envers,

comme un calvaire, un coup de calcaire!

Pourtant en boule, le chat noir parait relax

malgré mon allure, mon haleine de relaps …


Je me réchauffe un bon arabica, un bon cru

pour faire tourner le monde dans ma tête.

Branche le secteur, fréquence Radio Planète:

Merde, à l'annonce de la trêve, il y ont cru.

Pourtant c'est la guerre là-bas, les grèves ici.

En ce matin bleu, je me sens à leur merci ...


le jour se lève et le feu des étoiles s'étiole.

Le chat noir s'étire enfin puis miaule,

et ça sent le tabac froid dans ma piaule;

j'ai comme le visage bouffé au vitriol ...

Pourtant c'est cool, dedans, l'air de sax

que jouent à l’envi, mes fichues synapses …


Je me réchauffe un bon arabica, un bon cru

Pour faire tourner le monde dans ma tête.

Branche le secteur, fréquence Radio Planète:

Merde, à l'annonce de la trêve, il y ont cru.

Pourtant c'est la guerre là-bas, les grèves ici.

En ce matin bleu, je me sens à leur merci …




 

En stéréo-poésie


Écoute, c'est toujours la même litanie

qui dans mon crâne sème la zizanie.

Et je balance toute ma neurasthénie,

à l'agonie, le cœur en stéréophonie!

Malgré le conseil de grands maîtres,

médecins de l'âme, poètes ou prêtres,

je broie du noir, prisonnier d'un mal-être,

en ce désert sans fin, traînant mes guêtres ...

Pourtant, il y a la beauté de ces paysages,

la joie des enfants, un sourire sur ton visage!

Écoute, c'est toujours la même rengaine

quand mon sang peine, en manque d'oxygène

et qu'il balance en stéréo toute sa haine

lorsque la colère se fait soudaine!

Malgré toutes ces recettes d'alchimiste

pour inviter la joie quand je suis triste...

Malgré tout le talent des derniers artistes

pour un monde aux couleurs anarchistes...

Pourtant, il y a le mystère des étoiles,

la magie de la lune qui se dévoile,

l'oiseau libre dans un récital vespéral

et le sourire des animaux...  Tous " à poil "!















7ème ciel


Lorsque le premier avion s'est encastré dans la tour,

au matin du onze septembre noir, je faisais l'amour,

dans un hôtel du Bronx, au 7ème, avec une hôtesse de l'air,

cette fille rencontrée dans un club de tango à Buenos Aires.


Le ciel était bleu comme l'enfer et la rue, chargée d'électricité.

En bas, un gang barbare dansait au son de "Tribe called quest".

Lorsque la seconde tour, par l'autre avion, a été percutée,

nous étions déjà monté au 7ème ciel, complètement à l'ouest!


Nous ne nous soucions guère de la colère divine qui gueulait.

On avait chaud aux fesses, on blasphémait, on riait aux anges!

On se roulait comme de beaux cochons sains dans la fange,

et, rassasiés d’amour, le monde entier pouvait bien s'écrouler!























Un train d’enfer


Siffle fort locomotive,

lancée à toute vapeur,

martelant l'acier du rail,

au rythme d'un leitmotiv

qui perce les voyageurs

jusqu'au cœur et les entrailles!

Fantômes dans le brouillard,

traçant une fumée noire,

nos silhouettes s'égarent,

le long des voies condamnées,

où je croise des tortillards,

au sémaphore du hasard …

Nez au vent, ma cheminée

méprise ces chefs de gare

qui boivent par désespoir.



De triomphes en désastres


Tout juste onze lustres

que je vis et m'illustre,

par mes sourdes absences

et mon sixième sens.

Des lunaisons en cascade,

déraison et mascarades,

de crépuscules d'angoisse,

en aurores d'espoir tenace ...


Selon la course des astres,

de triomphes en désastres;

un jour, je connais la gloire,

et le lendemain, tout est noir!

Les pôles magnétiques se brouillent.

J'ose plus rêver, j'ai la trouille.

Soudain, je retrouve le sourire;

mon cœur s'apaise au nadir …

Vis comme l'enfant


Vis comme l'enfant qui découvre la neige,

ou s'accroche au pompon d'un manège,

car tout homme a droit à sa part de vérité,

ses ballades en solitaire, ses nuits d'été! ...


Vis comme l'enfant qui découvre la neige,

ou s'accroche au pompon d'un manège,

car tout animal a droit à sa part de mystère,

ses revendications, l'interdiction de l'éther! ...


Vis comme l'enfant qui découvre la neige,

ou s'accroche au pompon d'un manège,

car tout le monde a droit à sa part de glace,

ses croisières infinies dans l'espace! …



 

Voix de rogomme


Je me suis décomposé un soir

quand par hasard au fil du rasoir,

j'ai flirté avec le désespoir;

un sale type qui faisait croire

que la vie n'est qu'une lune noire,

qu'un sac de nœuds, un entonnoir.

Autant vous dire que je m'en fiche

des rimes pauvres ou bien riches.

Je chante d'une voix de rogomme,

de poète, mes vers à la gomme ...



Patience


Pour scier les barreaux de l’ennui

et se faire la belle comme un rebelle,

il faut s'armer de patience, jour et nuit,

en se creusant sans relâche la cervelle …


L'esprit vagabond à l'étroit dans sa cage

que forme le bois cartésien de mon crâne,

rêve d'ailleurs exotiques et sauvages,

loin de ces gaz toxiques, du doliprane …














Zen


On peut toujours se convertir au bouddhisme,

rester chez soi, évitant tout paludisme,

se rassurer l'esprit par l'ésotérisme,

en attendant que gronde un nouveau séisme …


Je suis au silence,

à l'écoute des sens.


En s'inventant une âme de vagabond,

on peut vouloir apprivoiser nos démons,

les tutoyer en leur donnant un surnom ;

ils resteront seuls maîtres de nos sermons ...


Je vais à l'essentiel,

entre terre et ciel …

 

Le zombie


Il marchait donc, la tête basse,

sous le poids des nuages sombres,

et poursuivi comme son ombre

par le passé, toujours à ses traces ...


Il ressassait sans cesse ses pensées,

cherchant la sortie du labyrinthe,

l'issue de secours de cette enceinte

où ses états d'âme croupissaient ...


Il errait tel un diable sous acide,

le regard triste et translucide,

le cœur hagard, tordu d'amour,

seul, dans les artères du bourg,


car il se savait la langue rôtie

par le feu nourri d’alcools;

le muscle corrompu de paroles,

et si las d'avoir autant menti …


 

Fleur de gare


Tel un poème de Léotard,

elle attend, dans son faux léopard,

triste, sur le quai froid de la gare;

son âme grise est sur le départ.


Elle fume une longue gitane,

le regard las et le cœur en panne,

étrangère à la beauté tzigane,

comme une fleur de nuit qui se fane ...




Créatures


Dans ma tête somnole un oiseau taciturne

qui se plaît à se nourrir de mes idées noires,

vivant ainsi comme un spectre dans un manoir

qu'il délaisse pour ses aventures nocturnes ...


Dans mon cœur tordu se love un serpent sournois;

le venin qu'il secrète rend l'amour amère,

et mes yeux trop verts sont trahis par la colère,

par trop de jalousie, puis mon regard se noie ...


Comment combattre ses violentes créatures

qui sans cesse me tourmentent sans fioriture,

pour étouffer dans l'œuf cette malédiction?


Quel élixir miracle pour guérir cette âme?

Qu'elle se libère enfin de ces afflictions,

et qu'elle puisse expulser ces démons infâmes!



 

La caravane


Sans sou, sans souci, sous la voie lactée,

libre nomade, insoumise et fière,

la caravane serpente dans le désert

où le silence résonne comme la vérité ...


Dans la braise de vos yeux sages,

avec aise danse le pâle visage,

la nuit, d'une lune orpheline,

illuminant la destinée bédouine ...


Ne craignant ni crotale , ni scorpion,

humbles enfants des étoiles d'Orion,

buvez à la source pure d'un oasis,

l'éternelle parole cristalline d'Isis!

 

Quand le vent et le sable tempêtent,

les hommes, les animaux, s'arrêtent,

dessinant sur le sein blanc d'une dune,

une ligne dans le temps, une ride brune …


















Radio pirate


L'océan vient de rendre

une jambe de bois flottant,

celle du pirate des ondes

ou bien d'un caporal gris.


Dans le golfe clair, une pluie

de pétrole et billets verts,

tombe sur l'eau turquoise;

marée de gélatine noire.


Sur l'horizon en grande pompe,

rient jaune les petits bateaux.

Prises de bec et pipe d'écume;

allumée, une mouette fume du hareng!


La radio dit qu'il fait beau,

qu'un poisson-volant s'est noyé

car le club Mickey est en grève!


Malaga et Saint Malo,  zéro à zéro.

Le drapeau est orange …


 

Rondel de la vie


Je regarde passer la vie,

en doux rêveur, le cœur ravi,

sur un banc de la promenade

où l'oiseau joue sa sérénade.

En buvant un vin de bohème

et me récitant un poème,

je regarde passer la vie,

en doux rêveur, le cœur ravi!

C’est le printemps des amoureux

et le retour des jours heureux!

J’oublie les maux de l’univers

en rêvant les yeux grand ouverts;

Je regarde passer la vie …





Équinoxe


Ego perdu dans le triangle sous d'autres latitudes,

navigateur ancré dans l'ombre de mes incertitudes,

la coque fragile et la quille au plomb de l'âge,

je plonge blessant mon front sur des traîtres rivages ...


Barrières de coraux où s'aiguise le sel des écumes,

dans la baie des souvenances où la corne de brume

mugit comme un baleineau harponné par un japonais,

quand l'odeur âcre de son sang grenat me monte au nez ...


Parmi les épaves et les fantômes d'esclaves bantous,

nautile, je me faufile comme la mémoire se joue de tout …


 





Signes indiens


L'amour est un signe indien grimaçant de douleur,

comme le doux baiser salé des amants voyageurs

aux cœurs défaits,  pour seul et unique bagage,

qui s'en vont , l'âme légère, en amont du présage ...


L'amour est un grand singe qui se signe aux couleurs

d'un arc-en-ciel, un jeune conquistador qui se meurt

dans les méandres de l'épaisse  jungle au désir sauvage,

une croix d'or sur son sein, un sortilège qui se propage …


En pleine jungle vierge, sur l'équateur de notre globe déliquescent,

armé d'une javeline d'os, de son regard pers, l'indien guerrier Tupi,

perce en chamane, l'occulte mystère du géant des fleuves, l'Amazone,

traquant, silencieux, la bestiole aqua-arénicole qui lui semble flapie ...


Loin des norias tumultueuses et du gaz de ces nouvelles Babylones,

au sein des riches embouches où paissent les bestiaux, engraissant

sous l’œil paisible des femmes nues qui, réunies sous le vieux parajou,

de dents de dauphins roses et graines "mara-mara", font des bijoux …


















La voix du silence


Il y a pourtant, dans ce silence, le fracas muet de mes pensées

qui cogne sur le bois de mon crâne rongé par la déraison,

comme un oiseau qui connaîtrait par cœur sa cage dorée,

endormi, sans appétit, sans espoir de regagner sa maison ...


Il y a pourtant, dans ce silence, le fracas muet de mes pensées

qui frappe les remparts de la ville comme un océan solitaire,

à l'équinoxe de mon existence, de mes rêves les plus insensés,

et j'entends parfois le rire du vent et la chanson de la terre ...


Il y a pourtant, dans ce silence, le fracas muet de mes pensées

qui déferle comme un tsunami de souvenirs en noir et blanc,

un déluge de neige sur le no man's land des jours passés,

où je gamberge comme un lapin entre les miradors du temps...





Achevé le 29 février 2020,

à Cour et Buis.
















Pour contacter l’auteur:


gallaumar@gmail.com



Photos de couverture par l’auteur.

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